Conserver la mémoire familiale, laisser une trace ou tout simplement transmettre… il existe de nombreuses raisons de mettre son histoire par écrit. Cette pratique ancestrale a été revisitée par la psychanalyse et la sociologie. Il existe désormais de nombreuses façons de réaliser ce projet, puisque la pratique de l’autobiographie se démocratise, et prend des formes inédites.

Ecrire sa vie pour mieux la comprendre, écrire l’histoire de sa famille pour mieux la transmettre… À de nombreux moments de notre existence, nous sommes tentés de nous raconter. Pour le faire, on peut se faire aider par un biographe professionnel, métier qui s’est développé au cours des 20 dernières années. Ce dernier vient collecter la parole du narrateur pour la mettre ensuite en forme et la restituer, le plus souvent sous forme d’un livre. A noter que de nombreuses offres de films biographiques, et mêmes de récits seulement oraux, existent désormais.

La motivation de la part du client est bien souvent de faire de ce récit un cadeau, à soi-même, et aux autres, en particulier à ses descendants. Cette démarche individuelle reste assez onéreuse, même si ses bienfaits sont manifestes. Le livre de la famille, l’histoire des grands-parents ou celle de leurs origines, devient un objet à transmettre au sein des grandes fratries.

La co-construction des récits de vie

Une autre démarche conçoit le récit de vie comme une activité à faire en groupe, autour d’une méthode. C’est une approche héritée des recherches en sociologie et en psychologie, et qui a pris son essor à partir des années 70. Elle porte le nom de Récit de vie. C’est la narration ou le récit, oral ou écrit, par la personne elle-même, de sa propre vie ou des fragments de celle-ci. Elle permet de mettre au jour l’identité narrative d’un individu, telle que l’a définie le philosophe Paul Ricoeur.

La méthode du récit de vie contribue à remettre du lien entre les différentes phases de la vie d’une personne. Il s’agit de reconstituer du sens, une suite logique pour se reconnecter à sa propre histoire.

Ce récit se construit au cours d’un processus de rencontres au sein d’un groupe. On dit qu’il est co-construit, car chaque auteur s’appuie sur la confrontation de son histoire avec celle des autres. Cette formule d’ateliers de récits et d’écriture se base sur un thème, avec parfois pour point de départ l’arbre généalogique.

Des moments pour se lancer

La jeune société Ravive travaille sur la transmission et l’accompagnement dans la fabrication d’un récit biographique imprimé dans un livre. Elle a choisi cette démarche de groupe pour proposer le récit de vie comme une activité, en direction de publics fragilisés ou de personnes âgées.

Ses fondateurs et animateurs identifient plusieurs moments de la vie où l’on peut avoir envie de se lancer dans une telle entreprise. Ainsi, une dame mesure le chemin accompli au moment de faire ses démarches pour la retraite. Une autre dispose de photos de famille dont elle est la seule à connaître la signification. Elles souhaitent transmettre à leur petits-enfants. Un monsieur récemment veuf vient également assister à la présentation du groupe en résidence senior. Toutes ces personnes ne sont pas forcément au même stade de leur histoire. Ils partagent souvent un passé commun, que ce soient des souvenirs de guerre pour les plus anciens, une origine régionale, ou une culture commune. Tous n’ont pas un rapport aisé à l’écriture, loin de là. Ils participent aussi pour rompre leur solitude et pour le plaisir de fabriquer un objet collectivement.

« J’ai aimé échanger en groupe à partir des questions, c’est indispensable pour se lancer dans la démarche de trier ses souvenirs. Aussi écrire seule chez moi, à partir des notes. Et les retours qui ont été faits, au fur et à mesure, donnent du courage ».

Une participante

Ravive conçoit sa proposition comme une activité de groupe, qui facilite l’écriture. Elle met à disposition des animateurs des fiches méthodologiques ainsi que des grilles de questions, construites à partir de thèmes. Les livres déjà édités portent sur l’enfance, sur l’école, sur la cuisine, ou sur des lieux de patrimoine remarquables qui ont été transformés, comme l’hôpital Sainte-Barbe dans la ville de Manosque.

Un outil en ligne pour coordonner les récits

En plus de proposer une innovation sociale, Ravive conçoit un outil en ligne pour coordonner ses récits, permettre aux participants de se relire et se commenter les uns les autres, et enfin faciliter le processus de mise en page et d’impression. Parfaitement privé, il sauvegarde écrits, documents et images jusqu’à ce qu’ils soient imprimés.

De cette expérience, ressortent des témoignages forts et positifs de la part des participants. « J’ai pu remettre du sens dans mon parcours », dit l’une d’entre elle. « J’ai appris certaines choses que je ne connaissais pas, ça m’a émue », dit la fille d’un des auteurs. Une autre participante : « J’ai aimé échanger en groupe à partir des questions, c’est indispensable pour se lancer dans la démarche de trier ses souvenirs. Aussi écrire seule chez moi, à partir des notes. Et les retours qui ont été faits, au fur et à mesure, donnent du courage ».

Pour une résidence senior ou une maison de retraite, le bénéfice de l’activité d’écrire sa vie pour mieux la comprendre tient également à la cohésion du groupe. Elle permet d’intégrer des personnes nouvelles, d’entretenir le lien social et d’enrichir leur contact. On se retrouve forcément dans les histoires des autres et cette résonance est un facteur de rapprochement. Les personnes âgés peuvent se sentir à nouveau valorisées à un moment de fragilité. Cette valeur thérapeutique de l’écriture comme activité n’est pas quantifiable en termes médicaux. En tant qu’acte réparateur, elle s’inscrit cependant dans la thématique du bien-vieillir à de multiples degrés.